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Fête des morts : quand le voile entre les mondes devient transparent

Rencontre avec la mort


Dessin inspiré de la Fête des morts aux Philippines, où les vivants et les ancêtres se retrouvent dans un souffle de lumière et de joie. Les bougies, les fleurs et la musique deviennent des ponts entre les mondes, rappelant que la mort n’éteint jamais la présence, elle la transforme.
Quand les morts dansent avec la lumière

En 2009, je m’envolais pour trois mois aux Philippines, ma caméra en main, décidée à capter la trace des rituels qui rythment l’archipel. J’étais arrivée à Manille deux jours avant la fête des morts, sans me douter de la force et de la singularité de cette célébration.

Dès l’aube, la ville semblait converger vers un même cœur battant : le cimetière. Des familles entières y affluaient, bras chargés de fleurs éclatantes, de bougies vacillantes, de repas et de guirlandes colorées. Les enfants riaient et couraient entre les tombes ; les femmes déployaient des nappes ; les hommes sortaient les guitares. L’air embaumait la cire fondue, le riz, la terre chaude. Le cimetière s’était métamorphosé en un village vivant, vibrant, bruissant de vie et de mémoire mêlées. Ce qui m’a le plus frappée, c’est la présence joyeuse et flamboyante de nombreux hommes vêtus en femmes — travestis, drag Queens. Leur énergie donnait à la fête une couleur particulière, presque magique.


Je passai la journée dans cette mer d’émotions, ma caméra à la main, témoin d’une célébration où la joie côtoyait les larmes, où la musique montait entre les croix et où les prières s’élevaient vers le ciel. Chaque tombe devenait un autel de lumière. La mort, loin d’être un silence, se révélait comme une présence — douce, vibrante, éternellement liée à la vie.

Et si cette fête servait aussi à aider les esprits encore suspendus dans notre monde à franchir le passage ?

 

Fête des morts et le mouvement de la vie

 

Ce souvenir, dans le cimetière de Manille, m’invite à évoquer un sujet que nous abordons si rarement : les esprits des morts. Qui sait vraiment ce que c’est ? Pourquoi ce sujet est-t-il passé sous silence dans nos sociétés ? Rare sont ceux qui reconnaissent leur présence, ou qui savent qu’ils peuvent rester près de nous lorsqu’ils n’ont pas trouvé leur chemin. Ici, on préfère taire cette réalité, l’envelopper de peur ou de superstition. Plusieurs raisons  peuvent sans douter expliquer ce silence.

La culture du rationnel et du visible

Nos sociétés occidentales privilégient ce qui se voit, se mesure et se prouve. Les expériences spirituelles ou énergétiques, la perception des esprits, des présences ou des âmes errantes, sont considérées comme « irrationnelles ». Mais cet effacement n’est pas anodin : il porte la trace d’une histoire où l’on a fait taire les savoirs liés à l’invisible, où la chasse aux sorcières et la peur de l’inconnu ont brisé le lien naturel entre les vivants et le monde des esprits.

Le tabou du non-contrôle

Accepter l’existence des esprits, c’est reconnaître que la vie dépasse les frontières du visible et du mesurable. C’est admettre qu’il existe des forces, des mouvements et des présences qui échappent à notre volonté. Mais nos sociétés, marquées par des siècles de peur et de domination de la raison, ont appris à se méfier de tout ce qu’elles ne peuvent maîtriser. Alors, plutôt que de dialoguer avec l’invisible, elles ont choisi de l’ignorer, d’en faire un silence. Derrière cette volonté de maîtrise se cache une peur ancienne : celle de ne plus être souverain sur la vie… ni sur la mort.

 

La peur de l’invisible et le refoulement culturel


L’invisible fait peur. En Occident, la mort est souvent vécue comme une perte définitive, douloureuse. Pour certains, elle marque la fin de toute présence : il n’y a plus rien, plus d’esprit, plus de lien. Ce regard peut aussi entrer en tension avec certaines visions religieuses occidentales ou les morts ont leur place assignée, et les esprits errants n’ont pas de rôle reconnu. Cette rigidité a pu contribuer au tabou et au silence autour des présences invisibles.

 

Et pourtant, d’autres cultures nous rappellent qu’il est possible de vivre la mort autrement. Célébrer les morts, accompagner les âmes perdues, reconnaître l’invisible comme partie intégrante de la vie, c’est accepter que la mort n’est pas une fin en soi, que certains esprits continuent leur voyage et peuvent être honorés et accompagnés.

Ainsi, parler des esprits implique de reconnaître une autre réalité : la mort n’est pas seulement une rupture, elle peut être une présence continue, parfois perturbatrice, mais aussi aimante et accompagnante.

 

Les esprits des morts : quand l’âme reste en suspens

 

Il arrive que certaines âmes, au moment de quitter le corps, ne sachent pas où aller. La mort, lorsqu’elle survient dans le choc, la peur ou la confusion, peut laisser l’esprit désorienté, suspendu entre deux mondes. Ces présences, que l’on appelle parfois « esprits des morts », ne sont ni malveillantes ni condamnées. Ce sont des âmes perdues, souvent porteuses d’une vibration basse, qui s’accrochent aux vivants parce qu’elles cherchent encore la lumière.

Dans de nombreuses traditions, les vivants ont un rôle à jouer : par la prière, le chant, la flamme d’une bougie ou la parole murmurée, ils peuvent accompagner ces âmes et leur permettre de poursuivre leur chemin. Aider un mort à partir est un acte d’amour, aussi essentiel que de savoir laisser partir un être cher de son vivant. Les morts avancent vers leur lumière, et les vivants s’allègent de ce qu’ils retiennent sans le savoir.

 

Dessin inspiré d’une cérémonie Hopi, où les Kachinas et les chasseurs de fantômes protègent l’équilibre entre les vivants et les esprits. Chaque geste, chaque danse, chaque souffle d’énergie révèle la connexion profonde entre les mondes visibles et invisibles.
Quand les esprits veillent sur le cercle sacré

Les Hopis et le rôle des chasseurs de fantômes

 

Dans la tradition Hopi, certains êtres sont choisis pour leur sensibilité particulière aux mondes invisibles. On les appelle les chasseurs de fantômes. Leur rôle premier est d’être les gardiens durant les cérémonies, ceux qui veillent à ce que l’espace reste pur et protégé, afin que les rituels puissent se dérouler en harmonie. Ils perçoivent les présences subtiles, les mouvements d’énergie, et interviennent lorsque des forces perturbatrices se manifestent.

Ce rôle est confié à un homosexuel ou bisexuel, porteur d’une énergie double, à la fois masculine et féminine. Cette dualité n’est pas vue comme une différence, mais comme un don sacré : elle lui permet de circuler naturellement entre les mondes, de ressentir et d’équilibrer ce qui échappe aux autres.

 

Dans la cosmologie Hopi, tout est relié par des flux d’énergie. Lorsque ces flux sont troublés, par la présence d’esprits désorientés par exemple, le chasseur de fantômes intervient non pas pour bannir, mais pour restaurer l’harmonie entre les vivants, les morts et les forces de la nature. C’est un rôle de protection, d’équilibre et de lien.

 

Chez les Hopis, la différence est accueillie comme une forme de sagesse : elle ouvre des portes vers des mondes que d’autres ne perçoivent pas. Et peut-être que cette reconnaissance nous rappelle une chose essentielle : certaines âmes naissent pour être des ponts entre les réalités, des gardiens du seuil, des témoins du souffle qui unit la vie et la mort.

 

Et peut-être est-ce là un écho universel…

Aux Philippines, lors de la Fête des morts, je me suis souvent demandé si la présence flamboyante et joyeuse des travestis et des drag Queens n’incarnait pas, à leur manière, la même fonction. Et si, derrière leurs rires, leurs danses et leurs couleurs éclatantes, se cachait une mission plus profonde : veiller sur le passage, s’assurer que les âmes errantes trouvent leur chemin, que la célébration se déroule dans l’équilibre entre les mondes. Peut-être sont-ils, eux aussi, les tisseurs du lien invisible, les gardiens du seuil où la vie et la mort se rejoignent dans la lumière de la fête.

 

Une célébration intérieure

 

Depuis ce jour à Manille, chaque automne me rappelle cette vérité :

la mort n’est pas la fin, elle est un passage.

Et lorsque nous honorons nos morts,

nous célébrons aussi la vie qui continue à travers eux,

dans nos gestes, nos voix, nos choix.

 

Alors, en cette Fête des morts,prends un instant pour t’arrêter.Allume une bougie, chante une chanson, partage un repas.Invite la mémoire à s’asseoir à ta table.Car tant que nous nous souvenons avec amour,le voile entre les mondes reste ouvert,et la vie continue de circuler, d’un souffle à l’autre.

 

Pour aller plus loin

 

Si ces mots ont trouvé un écho en toi, je t’invite à venir explorer plus profondément ces mondes invisibles lors des cercles d’enseignement, des soins au tambour et des ateliers que j’anime au Studio Yoga With You.


Ensemble, nous apprendrons à écouter les messages du souffle, à honorer nos ancêtres et à marcher avec plus de conscience entre les mondes.

 
 
 

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