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De la cigarette à la pipe sacrée 5 : le voyage de la pipe sacrée commence


Un dessin représentant une femme aux cheveux blonds bouclés vue de dos, qui se tient au milieu de l'agitation d'un aéroport en plein mois de juillet. C'est un moment de calme au cœur du chaos, où l'attente devient une aventure intérieure.
Le jour du départ

Le jour du départ

 

Le jour tant attendu était arrivé.

À l’aéroport de Genève, je ressentais cette effervescence si particulière des voyages : un mélange de départs, de retrouvailles et de promesses suspendues. Ce voyage vers les États-Unis, vers les terres des Premières Nations et la rencontre avec la Pipe sacrée, n’était pas né d’un plan précis. Il s’est tissé doucement.

Notre itinéraire initial prévoyait Pipestone, au Minnesota, mais le chemin nous appelait plus à l’Ouest, vers les plateaux arides et les mesas, au cœur du territoire hopi. Le van prévu pour nous accompagner était en réparation. Peu importe : une joie profonde, mêlée d’un frisson d’inconnu, m’envahit.

Quels visages allais-je croiser ?

Quels paysages viendraient à ma rencontre ?

Et quels silences ouvriraient pour moi les portes invisibles ?

 

Retrouvailles et préparatifs pour le passage de la cigarette à la pipe sacrée

 

À mon arrivée, Martha m’accueillit avec une douceur familière, sa présence joyeuse réchauffait le cœur, un plaisir doux à retrouver. Les retrouvailles se tissèrent entre paroles simples et silences partagés.

Ensemble, nous avons choisi de prendre le SUV pour parcourir les longues routes et avons préparé nos affaires de camping, prêtes à dormir parfois dehors, sous le vent et les étoiles.

Nous avons fixé un rendez-vous avec Thomas, celui qui a fabriqué ma Pipe Sacrée, à Flagstaff, dans trois jours. Nous convînmes d’un rendez-vous avec Thomas, l’artisan de ma Pipe Sacrée, dans trois jours à Flagstaff. Après cette rencontre, nous irions sans doute voir les San Francisco Peaks, montagnes sacrées où résident les Kachinas. Ces messagers des Hopis, porteurs de la sagesse ancienne et gardiens de l’équilibre du monde, se révèlent à travers les danses et les cérémonies. Si vous souhaitez en savoir plus sur leur rôle, je vous invite à lire mes articles précédents : À la rencontre des Katchinas : Gardiens spirituels de la tradition Hopi  ; Le cycle cérémoniel Hopi : une symbiose spirituelle avec la nature et Rituel équinoxe de printemps dans la tradition hopi : rituels, kachinas et équilibre. Six mois durant, selon le calendrier cérémoniel, les Kachinas vivent aux côtés des Hopis ; l’autre moitié de l’année, ils regagnent leur demeure dans ces montagnes majestueuses.

Guidée par les signes et les présences invisibles, nous marchons vers l’essentiel.


Dans ce noir et blanc intemporel, l'autoroute 40 fend le désert californien, une ligne droite infinie vers l'horizon de l'Arizona. Le bitume, sous le soleil implacable, se perd dans l'immensité poussiéreuse du Mojave. Quelques camions, minuscules points en mouvement, sont les seuls signes de vie sur cette étendue à perte de vue. Le silence est palpable, pesant, comme l'écho d'un monde qui n'appartient qu'à la route. C'est une image de liberté, de solitude et d'un voyage vers l'inconnu, où chaque kilomètre semble murmurer une promesse.
L'Autoroute 40, l'infini du désert

En route vers Flagstaff

 

Le matin du départ, nous avons quitté une petite ville de la cote, laissant derrière nous la brume légère du Pacifique. Devant nous s’étiraient plus de 750 kilomètres, une traversée qui nous mènerait jusqu’à Flagstaff, au cœur de l’Arizona.

Très vite, les collines verdoyantes laissèrent place à des étendues plus arides. Les couleurs changèrent, la lumière aussi. La route se déroula comme un long ruban noir entre les ocres, les beiges et les rouges des terres brûlées par le soleil. Peu à peu, le paysage s’ouvrit sur l’immensité. L’horizon devint un compagnon de route, vaste et silencieux.

 

Dans l’habitacle, l’excitation était là, comme une vibration qui nous traversait toutes les deux. Les heures s’écoulèrent au rythme de nos échanges, tissant un dialogue entre deux chemins spirituels bien différents, et pourtant réunis aujourd’hui dans cette voiture, sur cette route.

Je ressens pour Martha une gratitude vaste comme l’horizon qui s’ouvre devant nous. Elle a reconnu la brise imperceptible qui indique la voie. Sans elle, ce voyage n’aurait jamais pris corps. Portée par cet élan, je peux suivre la voie qui me mène vers la Pipe Sacrée.

 

Puis, dans l’air, un autre souffle se leva… le cinquième vent. Martha m’expliqua que ce vent particulier était associé aux Êtres du Tonnerre. Ces forces, à la fois majestueuses et imprévisibles, portent la pluie, les orages, les tornades ou les ouragans. Elle me confia que ceux dont la Pipe Sacrée est en lien avec ces Êtres pouvaient parfois influencer la venue de la pluie. Ce vent, disait-elle, est un messager rappelant que chaque élément de la nature possède une voix et une intention.

 

Kilomètre après kilomètre, nous avancions, le désert s’étendait de plus en plus autour de nous, et déjà, l’air sec et lumineux de l’Arizona nous accueillait. Plus qu’un voyage à travers des paysages, notre road trip était une traversée vers l’inattendu, vers les esprits, et vers cette part de nous-mêmes qui attend d’être révélée.


: Une photo du désert d'Arizona, où un tourbillon de sable clair, tel un fin tube transparent, s'élève doucement vers un ciel d'un bleu intense. Ce n'est pas une tempête de poussière, mais le murmure du "cinquième vent", ce souffle sacré qui, selon les traditions, relie la terre au ciel. Il est à la fois puissant et éphémère, un spectacle rare qui témoigne de l'énergie invisible qui circule dans le désert. C'est une prière silencieuse, une danse entre l'élémental et le spirituel.
Le souffle du cinquième vent

La rencontre avec Thomas et le cœur de la pipe sacrée

 

Nous nous retrouvâmes dans un petit restaurant mexicain, presque vide, juste nous quatre et le parfum des tortillas chaudes. C’était la première fois que je voyais Thomas et sa femme, et pourtant, il y avait dans cet instant quelque chose d’étrangement familier. Une chaleur immédiate circulait, comme si nous nous connaissions depuis toujours.


Thomas avait suivi Grandmother Medicine Song pendant quinze ans, partageant enseignements et cérémonies. Rencontrer quelqu’un qui avait partagé si longtemps les mêmes enseignements et les mêmes cérémonies fut pour moi une joie immense, presque bouleversante. Sa douceur me toucha profondément. Sa femme, tout aussi lumineuse, nous accompagna avec une bienveillance naturelle, sincère et apaisante.


Au milieu des rires et des histoires échangées, Thomas me demanda s’il devait me remettre la Pipe Sacrée maintenant. Je lui répondis que nous attendrions un lieu plus calme, après le repas. Alors nous avons savouré ensemble ce moment simple. Des assiettes colorées, des conversations qui passaient de l’anecdote légère à l’évocation de nos chemins spirituels… un ciment invisible nous unit, tissé par une quête commune et le désir de servir le sacré.


Lorsqu’enfin Thomas déposa sur la table les deux morceaux de tissu qui enveloppaient, l’un le foyer, l’autre le tuyau de la Pipe Sacrée, mon cœur se remplit d’un mélange subtil : joie timide, incertitude douce. Comment serait cette pipe ? Allais-je arriver à l’entendre ? L’aimerais-je ? Tant de questions dansaient, suspendues dans le silence de l’instant.

 

Avec une douceur pleine d’humilité, Thomas me confia que c’était la première fois qu’il façonnait la pierre de Pipestone, cette catlinite devenue rare, véritable empreinte du sang même de la terre. Cette pierre murmurele poids des âges, vibrant au rythme des esprits anciens.

 

Pour les Lakota et les Sioux, elle n’est pas qu’une matière : c’est un fil fragile tissé entre ciel et terre, entre le visible et l’invisible. Une porte entrouverte sur le souffle des ancêtres. Chaque pipe sculptée dans cette pierre est une prière silencieuse, un chant de paix porté par la fumée vers les esprits bienveillants. Ce rouge profond résonne tel le sang versé.

 

Sculpter la Pipestone, c’est entrer dans un dialogue sacré avec l’esprit de la pierre. Un acte d’amour silencieux que Thomas a porté avec une attention infinie, conscient qu’il ne façonnait pas un objet, mais un esprit vivant.

 

J’observais les deux morceaux de tissu sur la table avec un respect silencieux, comme s’il avait posé là un héritage vivant, un esprit ancien prêt à se révéler sous mes mains.

Il m’expliqua que le bois était du pin, et qu’en créant cette pipe, il s’était connecté à un esprit féminin. C’estcette énergie, cette présence qu’il a voulu incarner dans ses formes douces, une pipe aux courbes féminines, porteuse d’une force délicate et profonde.

 

Je défi d’abord, avec lenteur, le tissu qui renfermait le tuyau. Le bois apparut, sobre et simple, sans ornements. Puis, avec la même précaution, je dépliai l’étoffe qui abritait le foyer. Ce que je découvris futune forme petite, épurée, sans sculpture ni animal totem comme j’avais, au fond de moi, peut-être espéré. Thomas m’expliqua que c’était une pipe personnelle, et que sa taille reflétait cet usage intime.

 

Un léger pincement traversa mon cœur. Non pas que j’aie imaginé précisément à quoi ressemblerait ma pipe, mais j’avais nourri, malgré moi, des images : un ours, une tortue, une forme sculptée qui racontait déjà une histoire. Face à cette simplicité nue, une part de moi se sentit d’abord déçue.

 

Et puis, soudain, une voix intérieure s’éleva, claire et douce : « C’est exactement la pipe dont tu as besoin pour apprendre ce que tu dois apprendre. »

Je compris alors. Cette pipe est un enseignement en elle-même : sans artifice, humble, dépouillée, elle m’invite à aller droit à l’essentiel. Elle ne cherche pas à séduire l’œil, mais à ouvrir l’esprit et le cœur.

 

Thomas prit alors délicatement le foyer dans ses mains, le tourna légèrement, et me montra un détail sur le côté. Dans la pierre, un dessin naturel apparut, formé par ses veines et ses nuances. Il me sourit et murmura : « Tu peux y voir ce que tu veux… »

Je laissai mon regard s’y perdre, et déjà, la pierre sembla m’offrir ses propres histoires.

À cet instant, je sens en moi une gratitude profonde pour Thomas, pour le soin et l’intention qu’il a mis dans ses mains en façonnant cette pipe. Mon cœur s’ouvre, et je sais que ce lien est désormais scellé.

 

Thomas m’expliqua qu’il n’avait pas activé cette pipe. Depuis quelque temps, il avait pris ses distances avec cette tradition et ne se sentait plus aligné pour accomplir ce geste. Ce rituel sacré ouvre la pipe à sa mission spirituelle, la reliant aux esprits qui choisissent d’y demeurer et aux prières qui s’élèvent dans la fumée du tabac. C’est un passage, un premier souffle, qui l’inscrit dans le cercle vivant des pipes sacrées.

 

Je pourrais choisir de l’activer moi-même, ou confier cet acte à un gardien ou une gardienne de pipe, afin qu’il ou elle en trace le chemin. Il me rappela que l’activation n’était pas une simple formalité, mais un engagement profond : offrir à la pipe sa voix et son souffle, et accepter d’entrer en dialogue avec elle. Ainsi commence son voyage… et, à travers elle, le mien.

 

Deux nuits sous la protection des Katchinas : l’apprentissage de la pipe sacrée


La lumière du crépuscule baigne le paysage, et les majestueux San Francisco Peaks irradient au loin, leurs sommets teintés des roses, des oranges et des ors d’un ciel couchant. Au premier plan, la forêt sombre, paisible, forme un contraste parfait avec l’éclat céleste. Le silence qui émane de cette image est palpable, un moment de grâce où la nature semble s’incliner devant l'immensité du ciel, et où l’horizon révèle la sagesse tranquille des montagnes sacrées.
L'instant sacré des San Francisco Peaks

Une fois cette journée dense terminée, nous nous retirâmes dans le silence des montagnes majestueuses près des San Francisco Peaks. Martha et moi restâmes là, immobiles, laissant nos souffles s’accorder au rythme du vent, pour écouter la suite du chemin.


Ce soir-là, elle m’invita à vivre ma première cérémonie de la Pipe Sacrée, non plus derrière l’écran d’un enseignement virtuel, mais dans la présence tangible du monde. Elle souhaita m’en offrir un premier goût, simple et humble, comme un geste d’accueil. Il ne s’agissait pas encore d’activer la pipe, mais de la nourrir, en la laissant s’imprégner de la fumée des plantes sacrées, portée par la coquille d’ormeau.

 

Je suis timide, maladroite. Les mots de mes prières se cherchent, trébuchent un peu, comme s’ils hésitaient à franchir mes lèvres. Mais je suis profondément touchée par la générosité de Martha, par son désir sincère de transmettre et de m’initier à ce chemin.

 

Après la cérémonie, nous avons décidé que, le lendemain, nous partirions à la recherche d’un lieu où dormir dans la nature, près des San Francisco Peaks, pour relier ma pipe aux Katchinas. Le bois de pin qui forme son tuyau est l’essence qui appelle les bénédictions de ces Esprits pour le bon usage des mots.

 

Le jour qui suivit, après quelques recherches, nous avons découvert enfin l’endroit juste : un écrin de paix, à l’écart du monde. Nous y avons dressé notre campement.

 

La première nuit, Martha sortit silencieusement de la tente. Soudain, une horde de coyotes se mit à hurler. Je n’avais jamais entendu pareille clameur. Leur chant semblait nous encercler. Loin de la peur, c’est une joie immense qui m’a traversée : celle de sentir leur présence sauvage, libre et vibrante.

 

Au matin, un colibri apparut près de moi, l’un de mes gardiens, comme ceux qui venaient me saluer lors de mes réveils dans la jungle au Pérou. Depuis ce temps-là, je n’en avais plus reçu la visite. En cet instant, je me sens emplie de grâce pour ce cadeau des Esprits.

 

Le deuxième matin, Martha me confia qu’elle avait reçu un message clair : nous devions célébrer une cérémonie de la Pipe Sacrée, pour libérer la terre de ce lieu d’un fardeau ancien et invisible qu’elle portait encore. Nous nous installâmes dans un silence habité et, souffle après souffle, la fumée s’éleva, portant nos prières.

 

En fin de journée, comme une réponse silencieuse, une famille d’antilopes apparut. Elles avancèrent avec lenteur et confiance, se laissant contempler longuement. C’était comme si, une fois la terre allégée, elles pouvaient enfin se montrer à nous. La nature s’ouvrait, et dans ses signes, elle nous parlait.

 

Ces deux nuits près des San Francisco Peaks m’ont offert ce dont j’avais tant besoin. J’ai retrouvé une reliance intime. Elle se glisse dans le souffle du vent, se mêle au chant lointain des coyotes, se joue dans le léger frémissement des feuilles, et danse dans le battement délicat des ailes d’un colibri effleurant la lumière.

 

Nous les avons vécues bercés par la présence invisible des Kachinas, enveloppés de leur protection et de leur sagesse. Ces nuits m’ont reliée à la nature grandiose des États-Unis, ce pays où, depuis mon enfance, je ressens combien l’humain est petit face à l’immensité de la Terre. Ici, tout invite à l’humilité devant notre Terre-Mère.

 

Dans ce noir et blanc profond, la toile de notre tente s'ouvre sur un monde de pins immenses et droits. La lumière à travers leurs branches, créant un jeu d'ombres et de lumières sur le tapis d'aiguilles. Une colline paisible se dessine au loin, ses courbes douces se fondant dans le ciel. Les sommets sacrés des San Francisco Peaks restent invisibles, mais leur présence se fait sentir dans le silence habité de la forêt. C'est une image de calme absolu, un instant où l'on se sent profondément relié à la terre, aux arbres, à ce lieu.
Le réveil dans la forêt sacrée

La bénédiction des Kachinas

 

Au matin de notre départ, le dernier petit déjeuner se déroula dans la lumière douce du soleil levant, au pied des montagnes. La famille d’antilope apparut, silencieuse et attentive. Elle s’arrêta un instant, comme pour nous bénir de sa présence.

Parmi les cérémonies Hopis, la Danse de l’Antilope, un rituel qui appelle la pluie, bénit les récoltes et maintient l’harmonie entre les humains et les forces de la nature.

 

À travers ce regard tranquille, elles semblent murmurer :

« Nous, esprits gardiens,

accompagnons tes pas,

entendons tes prières,

et portons ton voyage. »

 

Leurs mouvements, légers et gracieux, me rappellent de marcher avec souplesse et respect. Chaque pas s’accorde au rythme du cœur de la Terre-Mère.

Je m’abandonne à cet instant, consciente que chacun de mes pas sur cette terre est une offrande et une leçon silencieuse.

Le Créateur ouvre devant moi des portes invisibles.

La route se déploie, infinie et mystérieuse.

Et là-bas, sur les Mesas Hopi, le silence des pierres et la présence des Kachinas attendent de murmurer ce qui n’a pas encore parlé.

 

À SUIVRE…

 

Je t’invite à relire les articles précédents de cette série, et à partager ton expérience, tes ressentis, ton propre chemin dans les commentaires. Ensemble, nous tissons la toile sacrée du lien et de la transformation.

 

Pour aller plus loin

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Il est toujours temps d’ouvrir son cœur à l’écoute profonde. Chaque souffle, chaque rencontre, chaque silence est un guide précieux sur ce chemin sacré.

 

 

 
 
 

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