De la cigarette à la pipe sacrée 7 : sur la route vers la Roue de Médecine
- Lorraine

- il y a 6 jours
- 9 min de lecture
Cet article fait partie d’une série consacrée à la rencontre avec la Pipe Sacrée. Tu peux retrouver les articles précédents : De la cigarette à la pipe sacrée : mon chemin avec le Tabac 1 ; De la cigarette à la pipe sacrée 2 : entre les mains de l’invisible ; De la cigarette à la pipe sacrée 3 : une porte s’ouvre doucement ; De la cigarette à la pipe sacrée 4 : quand le tabac murmure à l’oreille ; De la cigarette à la pipe sacrée 5 : le voyage de la pipe sacrée commence ; De la cigarette à la pipe sacrée 6 : Le voyage en terre Hopi et la rencontre des Kachinas

Quitter la Mesa, emporter le silence
Quitter les terres Hopi, c’est comme quitter un rêve éveillé.
Leur sagesse, leurs chants, leurs danses des Kachinas résonnent encore en Martha et moi.
La lumière des visages rencontrés,
Les rires partagés autour des tables du village.
Quitter cette terre n’est pas facile.
Cette terre que j’avais tant appelée dans mes rêves,
tant de fois vue surgir dans mes visions.
Aujourd’hui mes pas l’ont enfin foulée.
J’entends encore, au fond de moi,
l’appel des chants des anciens.
Je sens la souveraineté de cette terre rouge, ocre,
semblable à l’argile primordiale du chant de Spider Woman,
mère de la création et des fils sacrés qui tissent le monde.
Un pincement me traverse,
mais il est enveloppé de gratitude.
Je suis comblée.
Comblée d’avoir pu répondre à cet appel ancien,
comblée d’avoir pu être là,
là où mes visions m’avaient guidée,
là où mon cœur savait que je devais aller.
Alors que nous nous éloignons,
je souffle un « merci ».
La route comme lien
Sur la route vers le Wyoming, tout semble suspendu.
Près de 1 800 kilomètres se déploient devant nous,
comme une longue traversée entre deux mondes.
Ce voyage s’inscrit dans mon chemin « De la cigarette à la pipe sacrée »,
où chaque kilomètre rapproche le corps, l’âme et le souffle du sacré.
Les heures glissent, longues et silencieuses.
Voilà déjà dix jours que nous voyageons ensemble
.Dix jours côte à côte, à partager chaque lever, chaque repas, chaque fatigue.
Peu à peu, un fil discret se tisse entre nous.
Nos silences deviennent complices,
nos gestes se répondent dans la simplicité des choses.
Nous apprenons à nous connaître autrement,
au rythme lent des kilomètres et du temps partagé.
La route traverse les vastes plateaux arides,
les mesas rougeoyantes, les canyons qui s’ouvrent comme des blessures de lumière.
Parfois, des étendues vertes surgissent,
des rivières sinueuses bordées de peupliers argentés.
Puis à nouveau la pierre, brute, sculptée par le vent,
paysage de silence et d’éternité.
Le soleil décline lentement derrière les collines de l’Utah.
La lumière se fait douce, presque dorée.
Nous roulons encore,
comme suspendues entre la fatigue du corps et l’élan de l’âme.
Nous franchissons l’État du Colorado.

Le campement
À la tombée de la nuit, nous trouvons un petit camping au bord de l’eau.
Un lieu simple, presque secret.
L’air sent la fraîcheur des herbes, le souffle de l’eau qui repose.
Nous installons la tente dans ce silence bienveillant.
Je ne savais pas que nous dormirions si près de l’eau.
C’est comme un présent inattendu, une bénédiction à la fin de cette longue journée.
Je me sens chez moi.
Quand Martha me dit que nous pouvons nous y baigner, je me sens comblée.
C’est le plus beau des cadeaux qu’elle pouvait me faire.
L’eau, mon élément.
Mon bonheur.
Plonger dans ce lac, sous le ciel qui s’assombrit,
mon corps s’apaise, mon cœur se dilate.
Le reflet des montagnes dans l’eau me rappelle la route parcourue,
et le fil discret qui se tisse entre nous.
Ce lien qui doucement, jour après jour, prend racine entre Martha et moi.
Le lendemain, au lever du soleil, le ciel est encore teinté de rose et d’or pâle.
On plie la tente à l’aube.
Je m’accorde un moment pour me baigner dans le lac.
L’eau caresse ma peau, me réveille, et une gratitude immense m’envahit.
Rien de plus simple, rien de plus parfait pour commencer une journée.
Le reflet des montagnes danse à la surface,
et je sens mon souffle se mêler au souffle du monde.
Martha m’attend patiemment, et nous repartons, légères, le cœur clair, prêtes à reprendre la route vers de nouveaux paysages.
Les longues heures de route
Le moteur s’éveille au petit matin.
Le ciel est clair, immense, et la lumière du jour révèle les premières ondulations des montagnes lointaines.
Nous laissons derrière nous les lacs tranquilles et les prairies humides du Colorado, pour entrer dans les vastes étendues du Wyoming.
La route s’allonge, droite, presque infinie.
À travers les vitres, je vois des collines dorées où l’herbe danse au vent, et des rivières qui scintillent comme des rubans liquides. La lumière change constamment, passant du blanc éclatant au bleu tendre de l’après-midi.
Martha met la musique, et sa voix de chanteuse lyrique résonne dans la voiture.Des vieux tubes de country s’élèvent, comme des échos du passé qui voyagent avec nous.Je ris doucement à ses improvisations, et nos silences ne sont plus seulement des pauses, mais des respirations partagées. Il y a quelque chose dans ce mélange de paysages sauvages et de musique qui rend le temps à la fois long et léger.
Nous roulons pendant des heures, la route s’élevant et plongeant à travers vallées et plateaux.Le vent frais qui entre par la fenêtre, le parfum des herbes sèches, la poussière de la terre rouge : tout devient un rythme, une mélodie de voyage.
Misogi à la cascade
Nous trouvons enfin un petit camping isolé.
Un lieu incroyable, où nous étions seules, et où le chant de l’eau semblait nous accueillir.Les poubelles renforcées nous rappellent que nous sommes dans le territoire de l’ours.Je rêve qu’il apparaisse, majestueux, gardien silencieux des lieux.
En explorant, nous découvrons une cascade cachée entre les rochers.
Elle tombe avec puissance, comme une colonne liquide reliant le ciel et la terre.
Je sais que je dois y entrer.
Je me dénude et m’avance sous le flot glacé
.C’est un misogi, ce rituel ancien de purification issu du Shinto.
L’eau frappe ma tête, mes épaules, mon dos.
Elle traverse mes résistances, mes peurs, mes fatigues.
Chaque goutte devient prière,
Chaque ruissellement efface un peu plus de ce qui n’a plus lieu d’être.
Je sens la force brute de la nature se mêler à la mienne.
Un cadeau.
Un passage.

Sous la voie lactée
La nuit tombe et le camp s’endort.
Mais au milieu des ténèbres, je sens un appel.
Je sors de la tente.
Au-dessus de moi, la Voie lactée se déploie en une rivière de lumière.
Elle coule dans le ciel comme la cascade sur la montagne.
Je lève les bras, et mon corps devient antenne.
Je respire l’infini.
Chaque étoile pulse dans mes veines comme un tambour.
Je suis minuscule et immense à la fois.
À l’aube, je retourne à la rivière.
Le froid me saisit, tranche ma peau, fait éclater chaque cellule en lumière.
Je me fonds dans le courant.
Il me porte, me régénère, m’ancre.
Sur la berge, Martha m’appelle.
L’odeur des pancakes se mêle à la sève des pins.
Je ris, trempée, le cœur battant.
La nature me donne sa force, sa tendresse, son souffle.
Elle réveille la femme sauvage en moi.
Libre.
Et dans ce don, je retrouve ma place.
Au cœur du monde et de moi-même.
Vers le sommet sacré
Notre campement est à une trentaine de minutes de la Roue de Médecine.
Après le délicieux petit-déjeuner préparé par Martha, elle reprend le volant.
Avant notre arrivée, elle me conseille :« Tu devrais lire le lien que je t’ai envoyé au sujet de la Roue de Médecine de Big Horn. »
Je commence donc à lire, et entre les lignes se dévoile un mystère auquel je n’aurais jamais songé.
La Roue de Médecine n’est pas un simple cercle de pierres.
Elle respire, elle vibre, elle vit encore.
Les tribus viennent toujours y déposer leurs offrandes, y jeûner, y chercher des visions.
Elle est un vortex, une porte, un ancrage au cœur du cosmos.
J’apprends qu’elle se dresse à près de 3 000 mètres d’altitude, offerte aux vents, aux cieux immenses des montagnes Big Horn.
Son cercle de pierres mesure environ vingt-cinq mètres de diamètre.
Du cairn central partent vingt-huit rayons qui s’élancent vers le pourtour, comme les fils d’une toile reliant ciel et terre.
Les archéologues parlent d’un observatoire ancien, aligné avec le solstice et les étoiles, une sorte d’horloge céleste.
Mais au-delà des sciences et des mesures, les récits anciens disent qu’elle est la Lodge du Soleil.
Un lieu de guérison, de transformation.Ici, des chefs comme Plenty Coups ou Washakie venaient jeûner et prier.Ici, des générations ont marché pour entrer dans le mystère et laisser leur âme converser avec l’invisible.
En approchant du sommet, la route se redresse.
Les derniers lacets nous élèvent vers une montagne nue, dépouillée, où souffle un vent qui semble avoir traversé le temps.
Le ciel s’ouvre, immense, et je sens déjà que quelque chose m’appelle.
Nous garons la voiture.
Devant nous s’ouvre un sentier d’environ deux kilomètres qui mène à la Roue.
Nous croisons des personnes qui redescendent.
Nous nous saluons.
Je marche en prière.
Chaque pas devient offrande,
chaque souffle une parole invisible confiée au vent.
Puis, au détour du chemin, elle apparaît enfin.
Le cercle des ancêtres
Je m’assieds sur un fragment de pierre, au bord de la Roue.
Je ferme les yeux.Un silence habité m’enveloppe.
Je sens le temps se dissoudre.
Chaque pierre vibre d’une mémoire que rien ne peut effacer.
Mémoire des chants, des offrandes, des visions.
Les Esprits du lieu se déplacent dans le vent.
Je pense aux pas innombrables venus avant moi,
Aux voix qui ici demandaient la pluie, la guérison, la vision.
Et soudain je ne suis plus seule.
Je suis reliée à la longue chaîne des âmes priantes,
Aux ancêtres qui savaient que la terre et le ciel se rencontrent en cet endroit.
Je m’ouvre en état d’écoute,
Réceptive
Aux énergies qui circulent entre les rayons,
Aux chants du ciel qui veillent sur le cercle.
Le vent résonne comme un tambour invisible.
Je reste immobile, le cœur ouvert.
Et dans ce silence, la Roue agit.
L’alignement invisible du ciel et de la terre,
Les mémoires anciennes qui me frôlent,
Le murmure de la création qui continue à vivre ici.

L’offrande des pipes
Je finis par rejoindre Martha.
Elle est assise, face aux offrandes des quêtes de visions.
Nous sortons nos Pipes Sacrées.
Ce geste, si simple et si sacré, nous relie aussitôt à la prière universelle qui traverse ce lieu.
Je ferme les yeux.
Je leur offre ma prière pour relier la Roue de Médecine de Big Horn à celle que je construirai un jour sur notre terre du Caroux.
La réponse est claire, douce comme le vent qui caresse les pierres : oui.
Oui, je pourrai les relier.
Alors je me sens unie à une toile plus vaste,
Une toile invisible se tisse entre ces deux roues, afin que la guérison, la transformation et la sagesse puissent continuer à circuler.
Je suis emplie de gratitude.Je murmure un « Merci ».
Nous restons là encore un moment, dans ce silence vibrant.
Puis, lentement, nous redescendons vers la voiture.
Nous reprenons la route vers notre campement.
La lumière est vive, mais tout semble soudain plus dense, plus chargée.
Le silence entre nous parle, porteur de changement.
Je sens que la Roue de Médecine a ouvert une porte.
Une porte qui résonne dans les quatre chambres de mon cœur.
Comme le disait Grandmother Medicine Song,
Un espace nouveau palpite en moi,
Comme si le battement du cœur de la Roue vibrait désormais à l’unisson du mien.
Je ne le sais pas encore,mais ce soir-là, sous la cascade, cette porte s’ouvrira un peu plus encore…
De la cigarette à la pipe sacrée
Ce voyage, de la cigarette à la pipe sacrée, m’a conduite à des terres anciennes et des pratiques millénaires. Chaque étape m’a appris à écouter autrement, à sentir le souffle de la terre et la force des esprits qui nous entourent. Dans les paysages des Hopis ou au sommet des montagnes du Wyoming, la transformation s’opère doucement, à travers le silence, les offrandes et les rituels. La cigarette, symbole de ma vie passée, s’efface devant la puissance de la pipe sacrée, qui devient un lien entre moi, les Hopis, les Kachinas, la Roue de Médecine et la sagesse des ancêtres.
À SUIVRE…
Je t’invite à relire les articles précédents de cette série et à partager ton expérience, tes ressentis, ton propre chemin dans les commentaires. Ensemble, nous tissons la toile sacrée du lien, de la transformation et de la Roue de Médecine.Articles précédents :
De la cigarette à la pipe sacrée : mon chemin avec le Tabac 1 ; De la cigarette à la pipe sacrée 2 : entre les mains de l’invisible ; De la cigarette à la pipe sacrée 3 : une porte s’ouvre doucement ; De la cigarette à la pipe sacrée 4 : quand le tabac murmure à l’oreille ; De la cigarette à la pipe sacrée 5 : le voyage de la pipe sacrée commence ; De la cigarette à la pipe sacrée 6 : Le voyage en terre Hopi et la rencontre des Kachinas
Pour aller plus loin
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Que ce chemin soit une prière, et que chaque pas, chaque souffle, chaque offrande vous rapproche de la Roue de Médecine et du sacré en vous.
















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